FIN DE PARTIE

 

FIN DE PARTIE

 


FIN DE PARTIE est une pièce de Samuel BECKETT, écrite  en 1956, publiée  début 57. Elle a connu les mêmes difficultés que EN ATTENDANT GODOT. Samuel BECKETT la proposa à plusieurs petits théâtres  qui la refusèrent. Elle fut créée en français le 1° avril 1657 au Royal Court Theatre de Londres. Son succès, quoique moindre que celui de GODOT a été immédiat. Elle fut reprise fin Avril au Studio des Champs Elysée,
à paris.
FIN DE PARTIE est une pièce d’austère, sans concessions. Elle va directement à l'essentiel. LA MORT comme CLOTURE du monde. Chaque élément y fait référence.
Tout d'abord le lieu où se tiennent les personnages est clos: Aux murs de droite et de gauche, vers le fond, deux petites fenêtres haut perchées, rideaux fermés (...)À l'avant-scène à gauche, recouvertes d'un vieux drap, deux poubelles l'une contre l'autre. Au centre, recouvert d'un vieux drap, assis dans un fauteuil, Clov le regarde.(1)

Cette clôture s'inscrit de plusieurs façons: la plus évidente, visuellement est celle des poubelles. Deux personnages, Nagg le père, et Neil la mère, y sont enfermés. Elles sont recouvertes d'un seul drap qui les réunit dans une seule tombe. Lorsque Clov l'enlève, nous découvrons deux poubelles fermées.

Leur poubelle-tombe fait de Nagg et Nell des exilés de la vie, mais aussi des exilés de la mort. S'ils soulèvent leur couvercle-pierre tombale, c'est pour faire éclore la feuille de leur mort qui indéfiniment se fane.

Au centre de la scène se tient Hamm, tel un roi régnant sur un territoire quasi-désertique. Ce personnage muré dans son corps (il est dans un fauteuil roulant, et aveugle) est clos sur lui-même. Il est posé au centre d'un espace qu'il ne maîtrise pas. Comme Nagg et Nell, il est recouvert d'un drap que Clov enlève au début de la pièce. Comme les couvercles qui ferment les poubelles, le visage . Hamm est caché par un mouchoir taché de sang, qu'il enlève au début de la pièce.Le seul contact qu'il a avec l'espace se fait par l'intermédiaire de Clov lorsqu'il le promène tout autour de la pièce et le colle au mur. Hamm ne peut être que passif. Comme il lui reste la faculté de parler, il se sert du langage pour clore  l'espace de l'autre. Il a besoin de Clov pour lui donner les soins indispensables. Il s'applique à le ruiner pour que celui-ci devienne le miroir de son propre vide.

Hamm a demandé à Clov de bouger, mais il ne peut supporter cet écart qu'un très court instant. Il lui a demandé de revenir à l'endroit où il était. En ordonnant une action, puis son contraire, il réduit à néant l'agent qui la commet.


De Hamm à ses parents, il n'y a que haine et cruauté. Il ne peut pas les atteindre physiquement. Ils sont comme lui, posés quelque part dans l'espace et ne peuvent s'en aller. Ils sont définitivement du côté de la mort, même s'ils sont encore vivants. Il les nourrit pour les maintenir en vie, afin de pouvoir exprimer un sentiment de haine à leur égard.

Immobile près du fauteuil, se tient Clov. Tous les gestes qu'il exécute le rendent prisonnier de l'espace. Clov est le sujet déjà mort qui dessine dans l'espace l'empreinte de sa soustraction au monde. Nié par Hamm, il ratifie cette négation en l'inscrivant dans chacun de ses gestes. S'il ne trouve pas la combinaison du buffet dans lequel est enfermé le revolver qui pourrait le délivrer du joug de Hamm, c'est pour mieux étaler Cette chose qui avance
(2), lui laisser le champ libre afin qu'elle puisse dénouer les liens qui l'unissent à Hamm. Clov maintient la permanence d'un état léthargique en nourrissant le secret espoir que cela finisse. Mais il reste enchaîné à Hamm en lui obéissant.

Lorsque Clov ne peut entendre les vieux mots de Hamm, quand leur sens rongé par l'usure, n'arrive pas jusqu'à lui, il s'en va dans sa cuisine regarder la lumière qui meurt. Croyant trouver  un autre refuge, il ne rencontre qu'un autre désert. Il s'aveugle lui-même. Quand il regarde par l’une ou l'autre des fenêtres, il voit que tout est... mortibus (3) et que les flots sont du plomb (4). Ce n'est qu'à la fin de la pièce qu'il ouvre réellement la fenêtre, lorsqu'il voit un petit garçon assis par terre en train de se regarder le nombril... Un autre Clov ? OU lui-même tel qu'il  était lorsque Hamm l'a recueilli ?

Instants nuls, toujours nuls, mais qui font le compte  y est et  l'histoire close (5) Hamm se  tient seul, au centre du désert peuplé d'ombres, tel un chef d'armée ayant tenu un  long siège.  Son mouchoir n'est  taché que par son sang et non par celui des autres. Sang  de la solitude qui  s'échappe d'une statue ou dernière vision du désir impossible.

Corinne TISSERAND-SIMON



(1) Samuel Beckett,
FIN DE PARTIE p. 13
(2) ibid p. 49
(3) ibid p. 46
(4)ibid p. 47
(5) ibid p.111

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